Les ravages des gestionnaires directifs en période de transformation-l’éclairage du neuroleadership (1 de 2)

Une équation simple: Gestionnaires directifs & micro-management = Performance en déclin + Résistance au changement

Par Jacqueline Codsi, CRIA, M.Ps.org, ASC, PCC, vice-présidente partenariats d’affaires RH et coach exécutif, JC Leader Conseil

Dans une série de 2 articles, l’auteure propose quelques éclairages issus du neuroleadership qui appuient l’équation suivante : Gestionnaires directifs = Performance en déclin + Résistance au changement

Les défis et la pression exercée sur les gestionnaires d’aujourd’hui sont plus élevés que jamais. Les objectifs et les résultats attendus sont souvent majeurs, les changements à implanter se multiplient et les gestionnaires sont appelés à les implanter de plus en plus rapidement, avec des structures de plus en plus lean et des équipes souvent à distance.

Dans un tel contexte, un profil de gestionnaire qui excelle dans la planification, dans l’organisation et dans les suivis, qui est extrêmement orienté vers les résultats, pourrait paraître très attirant pour maximiser la livraison, en priorisant adéquatement malgré la demande qui ne cesse d’augmenter. Il est tentant d’adopter une approche plus directive ou autocratique où l’on sait « presser le citron » et où l’on est plus centré sur les résultats à tout prix que sur la relation. Mais ce serait une grave erreur…

Bien sûr, il n’y a pas de gestionnaire parfait. Mais ce qui est certain, c’est qu’un style de gestion qui encadre trop fait perdre le sentiment d’être responsable ou d’avoir la latitude nécessaire pour mettre en place les bonnes solutions. Parmi les références qui sont maintenant incontournables en leadership, il y a tout le courant du neuroleadership et, particulièrement, le modèle du SCARF de David Rock (2008). Il permet d’identifier les cinq leviers ou besoins fondamentaux à satisfaire pour mettre en place les conditions gagnantes qui facilitent la confiance et l’ouverture au changement (Status, Certainty, Autonomy, Relatedness & Fairness).

Pour en apprendre plus sur le modèle SCARF de David Rock, voir notre article « Le neuroleadership démystifié » publié dans cette chronique en 2013.

Particulièrement en contexte de grand changement et de pression sur la performance, le grand défi des gestionnaires est de mobiliser et de responsabiliser en prenant en compte ces cinq besoins essentiels que sont le statut (rang/estime de soi), la certitude (sécurité/contrôle), l’autonomie (avoir des choix), le réseau ou l’appartenance (soutien : relations formelles/informelles) et l’équité perçue.

Comment l’approche des gestionnaires directifs, qui croient être orientés vers les résultats, peut-elle avoir un effet inverse en déclenchant des résistances? Comment leur encadrement rigide peut-il éveiller la méfiance et le système défensif des membres de l’équipe? Voici quelques comportements directifs typiques et leur impact avec l’éclairage du neuroleadership (SCARF).

Des comportements directifs typiques

L’effet de ces comportements sur le développement de résistances et de méfiance

  • Confier des tâches et des moyens précis, plutôt que de déléguer des objectifs en laissant le choix des moyens.
  • S’immiscer à tout moment dans tous les dossiers, être peu négociable en agissant plus ou moins comme l’unique décideur…

Cette approche est particulièrement destructive pour les collaborateurs qui ont un grand besoin d’Autonomie et de Statut et qui se sentent alors traités comme des « exécutants ». 

 L’imprévisibilité affecte aussi beaucoup le besoin de Sécurité.

  • Distribuer les tâches: en imposant plutôt qu’en consultant; rajouter à tout moment de nouveaux mandats, en invoquant simplement, que le contexte l’impose.

Cela créée un sentiment de perte de contrôle, auprès des collaborateurs qui ont un grand besoin de Certitude et qui « digèrent » plus difficilement l’imprévisibilité. C’est aussi difficile en termes de Statut et d’Autonomie, soit le sentiment que quelqu’un d’autre décide et que je n’ai aucun mot à dire et aucun choix : se sentent alors traités comme des « exécutants ».

  • Évaluer et encadrer:
    être très axés sur les détails plutôt que sur la perspective globale, ils demandent des suivis nombreux
  • Ont vite tendance à la critique.
  • Quelle que soit la charge ou les obstacles : ils évaluent et critiquent sans ajuster leurs standards au contexte difficile.

Crée le sentiment d’être surveillé, d’être traité avec sévérité (Fairness), sans bienveillance, de manquer de soutien (Relation). Fait perdre la confiance (en ses forces, en son gestionnaire).

Conclusion

Il est clair qu’un style de gestion directif ou rigide, bien qu’il puisse apporter des résultats à court terme, crée davantage de méfiance et de résistance. Il n’est pas étonnant que, dans de tels contextes, des comportements déviants ou d’évitement soient davantage répertoriés : absentéisme, départs, baisse de performance, mauvaise réputation sur les réseaux sociaux, difficulté d’attraction et de rétention. De plus, si un tel style de gestion existe à la haute direction, il imprègne la culture et sert malheureusement de modèle à tous les niveaux de gestion de l’organisation. Le message aux gestionnaires directifs ou trop axés uniquement sur les résultats, est plus clair que jamais : modifiez votre recette! Misez sur la relation : évitez de blesser l’orgueil, évitez la menace et l’imprévisible!

Le prochain article approfondira les moyens par lesquels les leaders peuvent ajuster leur style de gestion pour optimiser le changement et la performance, toujours avec l’éclairage du neuroleadership.

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture

Buckingham, M. et D.O. Clifton (2001). Now, discover your strengths, The Free Press.
Codsi, J. et Langis, N. (2013). « Le neuroleadership démystifié », Le coin de l’expert, Ordre des CRHA.
Codsi, J. (2015). « Gestion de la performance : comment transformer ce levier de démotivation en levier de performance », Effectif, novembre/décembre 2015.
Rock, D., J. Davis et B. Jones (2013). « One simple idea that can transform performance management », People & Strategy, vol. 36, Issue 2.

À propos de l’auteure

Jacqueline Codsi, M.Ps.org, CRIA, ASC, PCC est vice-présidente partenariats d’affaires RH et coach exécutif chez JC Leader Conseil et chargée de cours à l’UQAM. Psychologue organisationnelle, elle agit comme médiatrice et formatrice auprès d’organisations de secteurs diversifiés. Ses spécialités incluent le développement du leadership, la gestion des talents et de la relève et le développement organisationnel. On peut la joindre par téléphone [514 235-0557] ou par courriel [j.codsi@jcleaderconseil.comSite web : jcleaderconseil.com

Cet article est paru dans la rubrique Coin de l’expert de l’ordre des CRHA, le 2 mai 2017.

Propulser sa carrière : mais pas à tout prix !

Jacqueline Codsi

 

Par Jacqueline Codsi, M.Ps.org, CRIA, ASC, PCC

Vice présidente Partenariat d’affaire RH et coach exécutif

 

5 pièges pour éviter le passage « de héro à zéro »

A travers ma carrière, que ce soit à titre de cadre de direction en gestion des talents et de la relève ou à titre de coach de relève lors de transitions de carrière, j’ai souvent eu une impression de « déjà vu ». C’est parfois désolant de constater qu’à la suite d’une promotion malheureuse, certains talents qui avaient un succès incontestable, reculent sur les plans professionnels et parfois même personnels… C’est ce que j’appelle le passage de « héro à zéro », soit un passage qui démolit le potentiel et qui laisse souvent des séquelles en termes de crédibilité et de confiance en soi.

Vous avez du talent? Que vous soyez une professionnelle qui pense à devenir gestionnaire, une cadre intermédiaire qui pense à devenir cadre supérieure ou encore une cadre supérieure qui souhaite accéder à un rôle de dirigeant, voici quelques pièges à éviter afin de s’assurer de propulser sa carrière en diminuant au maximum les dommages « colatéraux » et les échecs inutiles.

 1. Le principe de Peter : croire que tout peut se développer ou surestimer son potentiel

La croyance à l’effet que tout peut se développer lorsqu’on y met les efforts et la discipline nécessaire est très répandue. Pourtant, elle est bel et bien erronée. Si votre prochain mouvement de carrière fait appel à trop d’habiletés qui ne font pas partie de vos talents naturels, vous investirez beaucoup d’efforts pour peu de résultats.

Le perfectionnisme et le sens du détail qui ont été les fondements de votre succès passé comme expert pourraient être des obstacles si vous souhaitez devenir un gestionnaire qui évite le micro management.

2. Le sens du sacrifice: parfois très coûteux

Parmi les femmes talentueuses que j’ai coachées, il existe deux extrêmes pour lesquelles le sens du sacrifice est un très mauvais conseiller :

  • les trop ambitieuses qui sacrifient de manière démesurée, leurs objectifs personnels au profit de leurs objectifs professionnels
  • les trop dévouées qui sacrifient ou se refusent certaines opportunités de développement de carrière au profit de leur équilibre familial, en pensant qu’elles se reprendront lorsque les enfants seront plus âgés

Dans les deux cas, ces femmes talentueuses sont souvent perdantes à moyen terme car elles nient une partie de leurs besoins de réalisation au profit d’un seul aspect de leur vie. Tôt ou tard, ce déséquilibre les rattrapera. De plus, il existe des opportunités de carrière et de vie dont il est essentiel de profiter au bon moment (« timing ») puisqu’elles ne se représenteront probablement jamais.

3. Ramer à contre-courant ou miser sur le développement de trop de faiblesses

Avez-vous réellement le potentiel de développer les nouvelles compétences associées à votre prochain rôle ? Malgré le meilleur plan de développement et le coach le plus habile, vous ne serez jamais parmi les plus performants en tentant de développer ce qui va à l’encontre de votre naturel. Votre défi consiste à sélectionner des rôles pour lesquels vous n’aurez pas à utiliser trop d’habiletés qui sont « contre-nature ».

4. Avoir peur de sortir de sa zone de confort

La peur de prendre des risques, le besoin de perfection et la crainte de l’échec, peuvent ralentir énormément le développement d’un talent. Cette hésitation à plonger peut engendrer de la stagnation, ou même de la sur-spécialisation pour être en total contrôle de son domaine d’expertise.

C’est en acceptant de sortir de sa zone de confort que l’on développe de nouvelles compétences et une capacité d’adaptation. Là aussi, il faut savoir prendre la balle au bond, lorsqu’elle se présente.

5. Se laisser démolir par la critique ou les échecs

On apprend lorsqu’on est lucide face à ses forces et à ses points à développer. La rétroaction est essentielle à notre apprentissage. Lorsque la critique ou les échecs nous démolissent ou nous frustrent, on n’est plus en mode apprentissage mais en mode défensif ou repli. Habituellement, cela nous isole encore davantage et diminue notre performance…

À propos de l’auteure
: Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps. org., ASC, PCC, a œuvré à titre de cadre de direction en gestion des ressources humaines & développement organisationnel dans le milieu financier. Elle agit aujourd’hui comme coach de gestion et partenaire d’affaires RH, pour soutenir des entreprises en gestion des talents et de la relève, en développement du leadership et en gestion du changement. Pour la joindre : 514-235-0557 | j.codsi@jcleaderconseil.com | jcleaderconseil.com

la suite…

5 conseils pour propulser votre carrière tout en vous munissant d’un filet de sécurité…

1.  Faites le bon choix de la prochaine étape de votre carrière:

  • misez sur vos talents ou sur les facettes pour lesquelles vous possédez le plus de potentiel et de naturel.
    En identifiant vos forces naturelles ou votre valeur ajoutée unique, vous serez en mesure d’atteindre l’excellence avec moins d’efforts, tout en étant plus satisfaites. Vous arrêterez de vous battre pour peu de résultats. Le défi consiste à miser sur ses forces, pour bénéficier de ce sentiment de satisfaction et de compétence.
  • faites des choix compatibles avec vos ancres de vie ou vos impératif personnels (famille, couple, loisirs etc.)
    Quels sacrifices êtes vous prête à faire, comment votre famille vous suivra-t-elle ? Aurez-vous un jour des regrets lorsque vous ferez le bilan de vos réalisations personnelles et professionnelles?

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2.  Osez sortir de votre zone de confort en prenant des risques calculés

Afin d’accélérer son développement, il est essentiel de se faire confiance afin de développer sa capacité de s’adapter et d’apprendre : ex. changer de milieu, de rôle, d’équipe, de supérieur, etc.

Par contre, sachez aussi dire non à des postes prestigieux mais qui pourraient « bruler » votre talent ou vous dévier de votre trajectoire.

3.  Osez demander de la rétroaction ou du feed-back 

Plus vous réussirez à décoder la perception des autres concernant vos forces et vos points à améliorer et plus vous aurez un avantage notable pour accélérer votre développement.
Ayez accès à un bilan de vos talents, compétences et ancres de carrière.

Faites vous accompagner par un coach, un mentor ou un conseiller RH, pour vous aider à décoder plus rapidement…

4. Soyez résilient (pas « têtus ») tout en étant flexibles

Les personnes qui réussissent sont assez déterminées pour maintenir leur destination malgré les obstacles mais elles savent aussi quand lâcher prise et s’ajuster en remettant en question leur objectif lorsque c’est pertinent…

5. Apprenez de vos échecs

Un échec est rempli d’apprentissage concernant votre « ADN » personnel et professionnel. Les échecs sont formateurs mais ils peuvent nous faire perdre du temps et de la confiance.

Ne vous laissez pas abattre mais profitez-en pour vous questionner et faire de l’introspection. Votre coach ou votre mentor peut vous aider à vous remettre en piste plus rapidement…

En conclusion, il est essentiel que vous preniez vous mêmes les rennes pour accélérer votre développement, et ce, tout en n’hésitant pas à bien vous entourer pour prendre des risques calculés et en développant votre assurance

  • Questionnez vos choix si vous réalisez que pour réussir, vous devez vous « déguiser » ou corriger trop de faiblesses qui ne sont pas naturelles.
  • Recourez à une évaluation de votre potentiel ou à un bilan de vos compétences, talents et ancres de carrière pour éviter des écueils plus rapidement et vous laisser porter par votre talent.
  • Sachez bien sélectionner les spécialistes pour vous accompagner (coach, mentor, conseiller RH), afin d’identifier un plan de développement ambitieux mais qui ne « gaspille » pas votre talent.

Gérer le changement: de passager à pilote!

Les gestionnaires qui doivent implanter des changements organisationnels de plus en plus nombreux et plus ou moins imposés, sont souvent eux-mêmes déstabilisés par leur impact. Décider de « passer de passager à pilote » modifie toute la donne, en ramenant la puissance personnelle du gestionnaire et son efficacité à mobiliser ses troupes…

Consultez l’article : De passager à pilote pour avoir des conseils pratiques.

Partenaire d’affaires RH: catalyseurs des changements réussis

Le partenaire d’affaires RH : catalyseur des changements organisationnels réussis

 Par Jacqueline Codsi, CRIA

Comme le mentionne éloquemment Hervey Sériex, « Autrefois, le changement était l’exception et le statu quo la règle. Aujourd’hui, le changement est devenu la règle et le statu quo, l’exception ».

On doit développer une culture diversifiée, introduire des changements technologiques, modifier les rôles en recourant à une structure matricielle, rationaliser ou optimiser des processus… Toutes ces transformations supposent l’accès à des ressources compétentes et capables de s’adapter. Avec la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et la guerre des talents qui en découle, réussir ces virages critiques tout en s’assurant de maintenir ou d’améliorer la mobilisation, la responsabilisation et l’engagement du personnel, constitue un enjeu crucial.

Succès mitigé des initiatives de changement
On estime que moins de 30 % des projets de changement organisationnel sont couronnés de succès. Après des lancements souvent très visibles et prometteurs, leur durée de vie est en général assez courte et leurs destinataires en conservent un goût amer. Beaucoup d’organisations procèdent même à une succession de changements et le sentiment qui s’en dégage, c’est une perception de saturation et d’épuisement de la part des gestionnaires et des employés. Avec le temps, au lieu d’augmenter leur capacité d’adaptation, ces échecs ont pour effet de les rendre encore plus réfractaires au changement.

Nombre d’articles et de livres fort pertinents ont permis d’analyser les causes de ce taux d’échec élevé. La plupart des explications abordent le manque d’attention portée au volet humain, soit l’importance de mobiliser les parties prenantes du changement en faisant appel à leurs convictions et à leurs émotions. Il s’agit essentiellement :

  • du manque d’engagement visible et cohérent des dirigeants et des cadres supérieurs;
  • du manque d’alignement et de soutien des cadres intermédiaires;
  • de la résistance au changement des employés.

L’importance de soutenir les cadres
On sait aujourd’hui que le rôle d’influence des cadres auprès de leurs équipes constitue l’un des principaux facteurs de succès des démarches de changement (Rondeau et Bareil, 2010). Plus ils sont eux-mêmes convaincus de la légitimité du changement, en ayant pris le temps de se l’approprier, plus ils sont en mesure de jouer leur rôle de leader auprès de leur équipe.Typiquement, on a tendance à se concentrer sur la résistance des employés, en tenant pour acquis l’engagement des gestionnaires. Insuffisamment préparés, les cadres ne saisissent pas toujours la légitimité du changement et ont donc de la difficulté à s’y rallier. De ce fait, il leur est plus difficile d’assumer le leadership nécessaire pour convaincre et mobiliser leurs employés et d’investir l’énergie nécessaire pour les aider à franchir les obstacles, surtout en situation de surcharge.

Le partenaire d’affaires RH: un catalyseur du changement
Les professionnels en ressources humaines peuvent avoir un impact crucial sur la fin de cet historique d’échecs et l’optimisation de la probabilité de réussite des changements. Pour ce faire, il doivent assumer un véritable rôle de partenaire, capable de guider les gestionnaires opérationnels en tenant compte de leurs préoccupations et de leurs besoins particuliers, plutôt que de s’en remettre uniquement aux « programmes RH » génériques déjà en place.

Adopter une approche de partenaire d’affaires permet de mettre l’accent sur les besoins de changement d’affaires et sur le défi d’accompagner les gestionnaires dans l’identification de solutions sur mesure, impliquant le capital humain. C’est donc une belle occasion pour la fonction ressources humaines de se positionner comme un acteur stratégique indéniable du succès de la stratégie d’affaires, en :

  • soutenant les dirigeants et les gestionnaires dans la compréhension des changements nécessaires pour améliorer la compétitivité de l’organisation;
  • développant la vision et le plan d’intervention en ressources humaines découlant des impératifs de changement;
  • accompagnant les gestionnaires dans toutes les phases du changement, soit la légitimation, la réalisation et l’appropriation.

Pour ce faire, il est essentiel d’éviter de se positionner comme un exécutant effacé à la remorque des projets entrepris par les gestionnaires opérationnels. En agissant plutôt à titre de facilitateur et de coach, le professionnel en ressources humaines se positionne comme un allié stratégique permettant d’augmenter la probabilité de succès de la démarche de changement.

Le rôle du partenaire d’affaires auprès des cadres
La contribution du partenaire d’affaires au ralliement des cadres aux changements peut prendre diverses formes :

  • être présent auprès des cadres de façon à écouter leurs préoccupations et à en tenir compte dans l’ajustement des plans d’action;
  • créer des occasions de dialogue entre les dirigeants et les gestionnaires afin de les sensibiliser et de les rallier tout en saisissant leurs inquiétudes;
  • alimenter la réflexion stratégique des cadres, les aider à visualiser le changement et à se l’approprier pour qu’ils puissent agir comme des leaders auprès de leur équipe;
  • soutenir les cadres dans l’élaboration d’un plan d’action visant à mobiliser leurs employés en s’assurant de gérer leurs préoccupations et résistances.

Le rôle du partenaire d’affaires dans le design des changements
Il est opportun d’intervenir dès le début de l’initiative de changement. Le défi consiste à amener les dirigeants à percevoir qu’ils optimisent la probabilité de réussite de leur démarche de changement stratégique s’ils tiennent compte du facteur humain. Ce rôle de coach accompagnateur, empreint de savoir-faire en ressources humaines, est particulièrement pertinent pour permettre aux cadres :

  • d’articuler une vision claire, vulgarisée et mobilisatrice du changement qui, tout en étant alignée sur le plan d’affaires, considère les préoccupations des destinataires;
  • d’articuler un plan d’action concret et réaliste incluant les phases nécessaires à l’appropriation du changement;
  • d’identifier la stratégie de communication de cette vision et de ce plan d’action pour qu’ils deviennent un projet partagé tenant compte des préoccupations, des émotions, des besoins et des craintes que le changement peut susciter.

Afin de faciliter le changement, le partenaire d’affaires pourra aussi avoir recours aux pratiques mobilisatrices suivantes :

  • établir un diagnostic de l’écart entre la situation actuelle et la situation visée en termes d’impact sur les attitudes, les compétences et les façons de faire, afin de visualiser lucidement les défis de changement; ce diagnostic doit aussi permettre aux parties impliquées de se sentir écoutées et consultées;
  • mettre sur pied un comité de pilotage composé de gestionnaires crédibles et engagés qui ont le potentiel de mobiliser les équipes envers le changement;
  • mettre sur pied une équipe multidisciplinaire réunissant des généralistes et des spécialistes en ressources humaines crédibles (internes et externes), qui contribuent selon leur expertise spécifique au plan d’affaires, en partageant une vision commune du plan d’action RH sur mesure visant à soutenir ce changement.

Adopter une approche de gestion de projet et d’accompagnement
Soutenir les cadres en ayant recours à une approche de gestion de projet peut aussi contribuer à maximiser les chances de concrétiser le changement, en évitant l’essoufflement. Cette approche a l’avantage de donner une vision des étapes franchies que l’on peut célébrer, tout en demeurant très réaliste quant à celles qui restent à réaliser et face aux obstacles qui sont encore à surmonter. La mise sur pied d’un tableau de bord visant à suivre les progrès réalisés peut aussi constituer un excellent levier de nature à sécuriser tout en mobilisant et en responsabilisant les acteurs impliqués.Des réflexes essentiels pour la fonction ressources humaines

  • Démontrer sa compréhension réelle des enjeux d’affaires et de l’impératif de changement.
  • Écouter activement les préoccupations des gestionnaires et des employés pour mieux les influencer et les accompagner en parlant leur langage.
  • Identifier des plans d’action collés aux défis du changement d’affaires, qui dénotent son rôle de partenaire en mode solution et qu’on peut ajuster en cours de route.
  • Présenter des solutions complètes dans lesquelles toutes les fonctions ressources humaines sont mises à contribution afin d’implanter les changements, tout en s’assurant de disposer de personnes de talent mobilisées, responsabilisées et engagées.
  • Rallier toutes les parties à ce projet partagé, car pour réussir, la clé est un partenariat véritable avec les gestionnaires opérationnels et aussi entre fonctions ressources humaines.

Conclusion
En participant au succès des démarches de changement stratégique, l’approche de partenaire d’affaires permet d’augmenter la probabilité d’une appropriation réelle, qui pourra se refléter dans des modifications de comportements, d’attitudes et de façons de faire qui perdurent dans le temps. On augmente aussi la potentialité de réaliser le changement sans mettre en péril la mobilisation et l’engagement des gestionnaires et des employés.

Rappelons enfin que ce rôle d’accompagnateur à l’écoute et de coach auprès des gestionnaires opérationnels constitue la voie par excellence tant pour les généralistes que pour les spécialistes en ressources humaines, tous engagés à contribuer à l’actualisation d’un projet partagé de changement stratégique. Cette proximité permet aussi de forger des alliances authentiques avec les gestionnaires et de bâtir ainsi une crédibilité très précieuse pour la réalisation du plan d’affaires.Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps. org., ASC, directrice principale, psychologie du travail et développement organisationnel, Optimum Talent

Source : Effectif, volume 16, numéro 3, juin/juillet/août 2013.


Pistes de lecture

Bareil, C. (2004). Gérer le volet humain du changement, Éditions transcontinental.

Bareil, C. (2008a). « Démystifier la résistance au changement : questions, constats et implications sur l’expérience du changement », Télescope, vol. 14, n° 3, p. 89-105.

Codsi, J. (2011). « Le rôle de partenaire RH crédible : un défi d’influence », Le coin de l’expert, portail de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, 2011.

Collerette, P., R,Scheinder et P. Robert (2003). « La gestion du changement organisationnel, Quatrième partie – L’adaptation au changement », ISO Management Systems – Janvier-février 2003.

Kotter, P. et D.S. Cohen (2012). The Heart of Change: Real-Life Stories of How People Change Their Organizations, Harvard Business School Press.

Rondeau, A. et C. Bareil (2010). « Comment la direction peut-elle soutenir ses cadres dans la conduite d’un changement majeur? », Gestion, vol. 34, n° 4, Hiver 2010.

Serieyx, H. et I. Orgogozo (1989). Changer le changement, Paris. Éd. du Seuil.

Ulrich, D. et W. Brockbank (2008). The business partner model: 10 years on – Lessons learnedhttp://www.hrmagazine.co.uk.

Le neuroleadership démystifié

Le neuroleadership démystifié

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 Par Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps. org., ASC, et Nathalie Langis, CRHA, M. Sc.

L’avènement de la notion du neuroleadership a engendré un bon nombre de sceptiques parmi les professionnels en ressources humaines et dans le monde des affaires.

Après avoir approfondi la question, on peut affirmer que la science du neuroleadership permet de saisir concrètement les facteurs déterminants qui créent des milieux mobilisateurs et collaboratifs, tout en évitant la démotivation et le désengagement qui mènent souvent à la perte de talents dans une organisation.

Basé sur de nombreuses recherches scientifiques dont la crédibilité est incontestée, leneuroleadership permet de comprendre plusieurs dimensions du cerveau. Nous comprenons aujourd’hui que les deux réponses fondamentales que le cerveau émet, soit le renforcement et l’évitement, s’appliquent non seulement en situation de survie, mais aussi, plus subtilement, lors d’interaction entre les personnes. L’évitement consiste à fuir ce qui peut constituer une menace (réelle ou perçue) pour l’humain, alors que le renforcement consiste à maximiser les récompenses. Que ce soit dans les relations de couples, dans les relations familiales ou dans le monde du travail, les mêmes réactions plus ou moins primaires seraient à l’origine des comportements de chaque personne, la menant soit à être en mode défensif (ou fuite), soit s’ouvrir à la collaboration et au rapprochement.

L’engagement provoque une activité accrue au niveau des circuits neurologiques du cerveau, qui sécrètent à leur tour l’hormone de la dopamine du cortex préfrontal. De ce fait, la capacité émotionnelle et cognitive et même la mémoire en sont améliorées.

Quant au désengagement, il provoque une stimulation des circuits défensifs en réaction à un signal de menace. L’individu ressent alors de l’anxiété. Son énergie est concentrée sur les impératifs de défense et de survie. Il a de ce fait, beaucoup moins de ressources disponibles pour se concentrer. Souvent, il se méfie des autres et a tendance à prendre moins de risques.

Selon le modèle du SCARF élaboré par David Rock, cinq facteurs ou besoins fondamentaux seraient les modulateurs de ces deux types de réponses neurologiques. Lorsqu’on arrive à combler ces besoins, on assiste à un haut niveau de confiance et de collaboration. À l’inverse, lorsqu’on les menace, apparaît le mode défensif, celui de survie et d’évitement.

Status Le besoin d’avoir un statut ou de préserver son rang par rapport aux autres : le supérieur, les collègues, les employés et l’image dans la société (contacts, rayonnement). Le statut amènerait à des comportements qui se rapprochent de ceux qu’on observe dans une meute par exemple.
Certainty  Le besoin de certitude ou de sécurité, qui permet de prédire l’avenir et de s’adapter.
Autonomy Le besoin d’autonomie, soit le pouvoir d’exercer un contrôle sur son environnement et d’avoir des choix.
Relatedness  Le besoin d’appartenance à un groupe et de pouvoir compter sur son soutien (relations formelles et informelles).
Fairness Le besoin d’équité et de justice, le sentiment d’échanges équitables avec les gens.

 

En intervenant habilement sur ces facteurs, on pourrait engager les ressources humaines en leur permettant de concentrer toute leur énergie sur la résolution de problèmes de façon collaborative et créative. Par contre, si ces facteurs sont traités avec maladresse, la méfiance et l’évitement pourraient s’installer, entraînant des probabilités accrues de roulement de personnel (évitement) et de contre-performance.

Le véritable défi des gestionnaires et des organisations serait donc :

  • de reconnaître la complexité et la diversité des membres de leur personnel et l’importance d’ajuster leurs interventions individuelles et de groupe en tenant compte des impacts sur le SCARF;
  • d’investir l’énergie nécessaire afin de bien connaître leurs employés et de pouvoir identifier les éléments du SCARF qui sont les plus susceptibles de les mettre en mode défensif (fuite) par rapport à ceux qui susciteront leur collaboration et leur capacité à prendre des risques et à mettre toute leur intelligence au service de leur équipe et de leur organisation;
  • de revoir leurs stratégies individuelles et organisationnelles en prenant le SCARF en compte …

De telles découvertes devraient aussi inciter les gestionnaires et les directions des ressources humaines à repenser leurs processus RH.

Quelques interrogations pertinentes :

  • Gestion de la performance: a-t-on raison d’avoir une approche plus encadrante lorsque la performance n’est pas au rendez-vous?
  • Style de gestion : le modèle situationnel a-t-il encore sa place?
  • Clarté des objectifs et des mandats : quel est le bon degré de clarté et de précision pour chaque individu? Le même niveau de détail pourrait être insuffisant pour l’individu qui a un grand besoin de certitude et vit mal avec l’ambiguïté, mais pourrait brimer le besoin d’autonomie d’un autre membre de l’équipe.
  • La gestion du changement : plutôt que de considérer les résistances des employés comme un mal nécessaire à contourner, le fait de les écouter et de tenir compte de leurs préoccupations pourrait les amener à passer d’un mode d’évitement à un mode de collaboration et de renforcement.

Le neuroleadership peut aider à réajuster certaines approches d’accompagnement, de gestion du changement, de gestion de carrière et de coaching. La tendance de certains gestionnaires et de certaines organisations à se concentrer uniquement sur la performance et les résultats est donc à remettre en question. Dans les stratégies de gestion des talents et de changement organisationnel, il est temps que les organisations voient l’importance tout aussi essentielle pour leur survie de prendre le temps de sonder le degré d’engagement et de mobilisation de leurs employés ou d’écouter leurs préoccupations et leurs « résistances ».

Le neuroleadership procure des outils puissants, basés sur une science rigoureuse. Pour un leader, mettre en place des actions « payantes » en termes de résultats et d’engagement est une préoccupation constante. Mieux connaître le fonctionnement du cerveau permet justement de faire changer les comportements plus rapidement. Si les tendances en ressources humaines évoluent au fil des ans, le fonctionnement du cerveau est certainement une constante qui nous permet de croire que le neuroleadership est loin d’être une mode passagère.

À propos des auteures

Jacqueline Codsi, CRIA est directrice principale, psychologie du travail et développement organisationnel chez Optimum Talent et chargée de cours à l’ÉNAP. Elle a travaillé à titre tant de gestionnaire en ressources humaines et développement organisationnel que de consultante stratégique et coach dans des organisations de secteurs diversifiés. Elle s’est spécialisée ces dernières années en développement organisationnel, en développement du leadership et de la relève ainsi qu’en gestion du changement. On peut la joindre par téléphone [514-235-0557] ou par courriel [jcodsi@Optimumtalent.com].

Nathalie Langis, CRHA est vice-présidente et chef de pratique, gestion de carrière chez Optimum Talent. Elle compte près de quinze ans d’expérience en développement organisationnel et en gestion des ressources humaines, et a accompagné des organisations de taille et de secteurs variés, notamment dans des démarches de mobilisation des employés. Elle est également coach bénévole pour la Fondation du maire : le Montréal inc. de demain. On peut la joindre par téléphone [514-687-2262] ou par courriel [nlangis@Optimumtalent.com].


Cet article est paru dans la rubrique Coin de l’expert le 7 mai 2013.

La relève: la développez-vous vraiment?

Par Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps.org., ASC

Note : S’intéressant à la planification des ressources humaines et à la gestion de la relève, ce texte est le second d’une série de deux articles. Alors que le premier article traitait des pièges dont il faut se méfier lors de l’identification de la relève, celui-ci est consacré aux erreurs à éviter lors du développement de la relève.

Le défi d’avoir une relève prête au bon moment à occuper certains postes cruciaux ou à remplacer certaines personnes clés n’est pas toujours facile à relever. Les dirigeants sont souvent préoccupés par le degré de préparation de la relève, que ce soit la relève de gestion ou d’expertise. Il arrive trop souvent qu’un successeur soit nommé trop rapidement et que l’on constate par la suite qu’il n’était pas prêt, entraînant ainsi des problèmes de performance pouvant même affecter la compétitivité de l’organisation. Dans ces cas, la première question à se poser est la suivante : « Cette personne avait-elle les qualités nécessaires  en termes de potentiel, de motivation et d’engagement, pour s’investir dans un processus de développement accéléré? » Sans ces prérequis, le développement de l’individu sera plafonné et le degré de préparation attendu ne sera jamais atteint.

Force est de constater que, même quand on parvient à identifier les individus ayant véritablement ce potentiel, le défi d’accélérer leur développement pour qu’ils assument avec succès les rôles visés est souvent complexe.

Que vous soyez un dirigeant, un gestionnaire opérationnel ou un professionnel de la gestion des ressources humaines, cet article devrait vous permettre de remettre en question vos manières de faire afin d’éviter six des pièges les plus courants lors du développement de la relève.

1. Développer des attentes irréalistes chez les hauts potentiels

Une erreur commune commise par plusieurs gestionnaires de hauts potentiels consiste à leur faire des promesses afin de les retenir au sein de l’organisation. Lorsque les promesses ne sont pas tenues, les conséquences peuvent être désastreuses et mener soit au départ des talents que l’on souhaitait fidéliser, soit à leur démobilisation.

2. « Brûler » un talent

C’est un art que d’identifier le prochain mouvement de développement. Le défi consiste à sortir la personne de sa zone de confort, en lui offrant un niveau de défi qui l’incite au dépassement, mais qui demeure réaliste. Monter une marche trop haute d’un seul coup ou sauter des étapes peut être fatal et contribuer à démolir la crédibilité et la confiance d’un talent émergent. À l’inverse, gravir des marches trop peu élevées risque de ralentir le développement et même de ne pas assouvir le besoin de réalisation du haut potentiel qui pourrait chercher ailleurs à combler sa soif de défis.

3. Mal cibler le plan de développement

Il arrive qu’on investisse beaucoup dans le développement d’un haut potentiel, mais en ciblant mal ses priorités de développement ou en identifiant des moyens de perfectionnement peu appropriés. De ce fait, son développement sera grandement ralenti et il ne parviendra pas à atteindre le degré de préparation nécessaire pour accéder avec succès aux rôles convoités.

Il faut éviter de se fier uniquement à une auto-évaluation ou au jugement de gestionnaires peu outillés dans le domaine du développement des compétences. Le recours par exemple à une évaluation du potentiel de gestion en regard des compétences visées, fondée sur plusieurs instruments de mesure validés, est sans conteste une bonne pratique. Le choix des moyens de développement peut aussi faire toute la différence… car rappelons que le leadership ne s’apprend vraiment ni dans les livres ni en salle de cours.

4. Abandonner le haut potentiel face à son développement

Plusieurs organisations soucieuses de s’assurer de l’engagement des hauts potentiels dans leur développement et de ne pas créer d’attentes irréalistes leur confient l’entière responsabilité de piloter leur développement. Ce n’est pas tout d’identifier un haut potentiel, il faut le soutenir dans l’élaboration de son plan de développement et dans sa réalisation. Afin d’assurer le succès de ce développement accéléré, un bon encadrement par son supérieur, une rétroaction liée aux cibles de développement, l’accès à des moyens de développement organisationnel, tels des mandats spéciaux, ainsi que l’accès à un comité ou à un nouveau défi sont essentiels.

5. Des coachs internes qui font plus de mal que de bien

Bien que le recours à du coaching soit fort approprié dans le cadre du développement des hauts potentiels, il est essentiel de se rappeler que tous les supérieurs, même ceux qui sont de bons gestionnaires, n’ont pas nécessairement la préparation nécessaire pour agir à titre de coach. Il arrive même qu’il ne soit pas souhaitable de laisser un haut potentiel s’inspirer du modèle de gestion de son supérieur… Investir dans le développement des supérieurs pour qu’ils soient plus en mesure d’accompagner le développement de la relève constitue un excellent investissement.

6. Surévaluer le degré de préparation

Beaucoup de dirigeants ont tendance à être trop confiants ou à sous-estimer le temps nécessaire à des hauts potentiels pour accéder au degré de préparation requis. Bien évaluer ce degré de préparation est essentiel pour bien gérer le risque de relève, mais ce n’est pas chose simple. Là encore, notre intuition peut être de mauvais conseil. Le recours à certains systèmes d’évaluation du potentiel permettant de comparer le profil de l’individu à celui des hauts performants dans des rôles comparables au poste visé est alors extrêmement pertinent.  

En conclusion

La gestion de la relève requiert énormément de doigté pour l’identification, la communication et le développement des compétences. Il est essentiel de saisir qu’on ne s’improvise pas « conseiller en développement » ou coach de carrière. Les meilleurs programmes de relève sont le résultat d’un partenariat entre :

  • des hauts potentiels engagés dans leur développement;
  • leurs supérieurs hiérarchiques qui leur fournissent la rétroaction nécessaire et leur facilitent l’accès à certains moyens de développement;
  • le service des ressources humaines, qui peut faciliter certains mouvements de développement et jouer un rôle de conseil et de vigie;
  • et, bien souvent, la vision externe de spécialistes en développement du leadership, de coachs, de psychologues organisationnels ou d’autres professionnels spécialisés.

À propos de l’auteure

 

Jacqueline Codsi, CRIA,M. Ps. org.,ASC,est directrice principale, psychologie du travail et développement organisationnel chez Optimum Talent et chargée de cours à l’ÉNAP. Elle a oeuvré tant à titre de gestionnaire en gestion des ressources humaines et développement organisationnel qu’à titre de consultante stratégique et coach dans des organisations de secteurs diversifiés. Elle s’est spécialisée ces dernières années en développement organisationnel, développement du leadership et de la relève ainsi qu’en gestion du changement. On peut la joindre par téléphone [514-235-0557].

Cet article est paru dans la rubrique Coin de l’expert de l’Ordre des CRHA, le 9 octobre 2012.

La relève: l’identifiez-vous vraiment?

Par Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps.org., ASC

Note : S’intéressant à la planification des ressources humaines et à la gestion de la relève, ce texte est le premier d’une série de deux articles. Il est consacré aux erreurs à éviter lors de l’identification de la relève. L’article suivant traitera des pièges dont il faut se méfier lors du développement de cette relève.

Avec le départ à la retraite des baby-boomers et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et intéressée à occuper des fonctions de responsabilités, la gestion de la relève est l’un des risques majeurs auxquels font face la plupart des organisations. Elle constitue l’une des préoccupations prioritaires des conseils d’administration d’aujourd’hui, qui exigent des plans d’action solides pour parer aux risques en découlant. Le service des ressources humaines est donc de plus en plus sollicité et doit livrer des programmes performants.

Le livrable attendu consiste essentiellement à :

 

avoir une relève prête au bon moment à occuper certains postes cruciaux ou à remplacer certaines personnes clés, et ce, avec le niveau de performance et de succès attendu.

Même au sein d’entreprises qui investissent beaucoup dans la gestion de la relève, il n’est pas rare d’observer soit :

 

  • qu’on n’identifie pas adéquatement les candidats ayant le meilleur potentiel de relève;
  • qu’on ne développe pas adéquatement cette relève, ce qui ralentit le rythme et la qualité de son développement;
  •  ou encore qu’on éprouve des difficultés à retenir les hauts potentiels.

Que vous soyez un dirigeant, un gestionnaire opérationnel ou un professionnel de la gestion des ressources humaines, cet article devrait vous permettre de mettre en question vos manières de faire afin d’éviter cinq des pièges les plus courants lors de l’identification de la relève.

1. Le « pifomètre » pour identifier les hauts potentiels
Beaucoup de gestionnaires sont convaincus qu’ils sont en mesure de reconnaître un hautpotentiel simplement en le « regardant aller ». On constate souvent l’absence d’un profil de compétences ou le recours à des critères qui ne sont pas discriminants. Par exemple, une excellente performance ou encore la maturité sont-elles des critères permettant d’identifier la relève? On peut être très performant et avoir beaucoup de maturité, sans être un candidat à la relève. Un profil de compétences et des critères d’identification discriminants sont donc essentiels afin d’identifier les ressources ayant réellement le potentiel d’accéder à des postes de niveau plus élevé. Une évaluation de potentiel de gestion externe peut être très utile afin de contribuer à objectiver le processus d’identification, en ne se fiant pas uniquement au jugement des supérieurs hiérarchiques.

2.  Confondre « hauts performants » et « hauts potentiels »
Un haut potentiel est assurément un bon performant, sans nécessairement être, un haut performant. Il se distingue par son potentiel à gravir des échelons supérieurs. À l’inverse, un haut performant n’est pas nécessairement un haut potentiel. On souhaite bien évidemment retenir les deux types de talents au sein de nos organisations, mais il est essentiel de distinguer les deux, car on aura beau développer un haut performant, il n’aura pas le potentiel de gravir d’autres échelons avec le succès attendu.

3. Négliger les intérêts et les aspirations
Dans ce contexte de pénurie de relève, plusieurs gestionnaires sont tellement soucieux d’investir dans leurs hautspotentiels qu’ils en oublient de considérer leurs intérêts et leurs aspirations. Le succès à des postes supérieurs est aussi dépendant de l’engagement des personnes dans leur développement et, pour ce faire, il est essentiel d’évaluer la compatibilité du cheminement convoité, avec les aspirations et les forces naturelles de l’individu.

4. Le syndrome du « poulain »
Il arrive souvent qu’un gestionnaire senior prenne sous son aile un talent qu’il perçoit très prometteur. Bien que cette initiative soit en principe très positive, il arrive à l’occasion que l’individu en question n’ait pas les qualités nécessaires pour se qualifier à titre de relève. C’est parfois par exemple un excellent expert, mais qui n’a pas les qualités requises pour accéder à un rôle de gestionnaire. Ce peut être aussi un excellent cadre intermédiaire, mais qui n’a pas le potentiel nécessaire pour accéder à des niveaux plus stratégiques. Le défi consiste à rallier ce gestionnaire à une juste évaluation de la contribution de cet individu et à éviter les promesses irréalistes et leur lot de déception. Un jugement professionnel externe basé sur une juste évaluation du potentiel de l’individu peut être d’une grande aide pour créer un meilleur consensus.

5. Démobiliser les bons soldats!
En donnant trop de visibilité aux hauts potentiels ou en leur octroyant un cheminement privilégié trop visible, on risque bien souvent de démobiliser les bons performants ou les hauts performants. Il est donc essentiel de communiquer avec nuance et finesse en s’assurant d’un traitement équilibré de l’ensemble des talents qu’ils soient hauts potentiels, hauts performants ou bons performants. À défaut de le faire, la rétention de plusieurs bons éléments pourraient en souffrir, au profit des compétiteurs…

Conclusion

Le défi en matière de relève, c’est d’implanter un programme simple qui cible bien les individus possédant le meilleur potentiel de développement face à certains rôles ou postes à risque. Cependant, ceci ne peut se faire sans considérer aussi la compatibilité avec les motivations, les forces naturelles et les aspirations de ces individus. Seuls des critères d’identification objectifs et le recours à des sources d’information diversifiées pour bien cerner le potentiel des individus, pourront permettre d’éviter des erreurs d’identification coûteuses.

Un partenariat d’affaires véritable entre les professionnels en ressources humaines et les gestionnaires opérationnels peut permettre de développer une vision commune et réaliste du bassin de relève : afin d’en accélérer le développement et de bien gérer le risque de relève.

Pour aller plus loin

  • Codsi, J. (2010). « La gestion de la relève: secret bien gardé ou transparence… », Le coin de l’expert, portail de l’Ordre.
  • Corporate Leadership Council, 2011. The Disengaged Star: Four Imperatives to Re-engageHigh-potentialEmployees,CorporateExecutiveBoard.
  • Corporate Leadership Council, 2003. Hallmarks of Leadership Success: Strategies for Improving Leadership Quality and ExecutiveReadiness, Washington (D.C.), CorporateExecutiveBoard.

À propos de l’auteure

 

Jacqueline Codsi, CRIA,M. Ps. org.,ASC, est directrice principale, psychologie du travail et développement organisationnel chez Optimum Talent et chargée de cours à l’ÉNAP. Elle a oeuvré tant à titre de gestionnaire en gestion des ressources humaines et développement organisationnel qu’à titre de consultante stratégique et coach dans des organisations de secteurs diversifiés. Elle s’est spécialisée ces dernières années en développement organisationnel, développement du leadership et de la relève ainsi qu’en gestion du changement. On peut la joindre par téléphone [514-235-0557].

Cet article est paru dans la rubrique Coin de l’expert de l’Ordre des CRHA, le 2 octobre 2012.

Une entrevue d’expert de Jacqueline Codsi sur l’approche de partenaire d’affaires RH crédible et influent

Voici une entrevue vidéo donnée par Jacqueline Codsi sur le portail RH de l’Ordre des CRHA.

Elle y répond entre autres à la question: comment augmenter la crédibilité du service ressources humaines et le niveau d’influence des professionels et gestionnaires en RH.

Pour visionner un extrait de cette entrevue, rendez-vous sur http://www.youtube.com/watch?v=DbejeVIhMx0

ou encore allez sur le site de l’ordre des CRHA pour voir l’entrevue dans son intégralité.

http://www.portailrh.org/studiorh/fiche5.aspx?p=497371

Le rôle de partenaire RH crédible, un défi d’influence

Jacqueline Codsi, CRIA, psychologue organisationnelle, gestionnaire et consultante en ressources humaines et D.O.Deux éléments clés distinguent le professionnel RH influent : la crédibilité et l’approche de partenaire d’affaires.

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Le sens politique, qui peut s’en passer!

Par Jacqueline Codsi, CRIA, psychologue organisationnelle
Gestionnaire et consultante-coach en leadership et développement organisationnel

Le sens politique est une compétence essentielle à développer afin d’assurer le succès de ses projets. Les professionnels en ressources humaines qui le découvrent tôt durant leur carrière sont avantagés et ont la chance de le cultiver graduellement au bénéfice de leur positionnement professionnel et organisationnel.

Pourtant, le sens politique est souvent traité comme un tabou, ce qui explique que plusieurs ont à son égard les mêmes réserves qu’à l’égard de la vente ou de la politique. Beaucoup de personnes qui ont un talent sur ce plan ne le mentionnent pas spontanément comme une force. Par contre, tous ceux qui soulignent les conséquences néfastes de leur faible sens politique sur leurs projets et sur leur carrière n’ont pas forcément la volonté de corriger la situation. C’est un peu comme s’ils opposaient leur approche transparente et orientée vers l’action à ce qu’ils associent à des manœuvres nébuleuses et non éthiques. Plusieurs pensent à tort que, dans un système organisationnel équitable, seules les qualités intrinsèques des projets ou des individus devraient être des facteurs de décision.

Dans les faits, le sens politique est le complément essentiel de la compétence et de l’expertise. S’il ne les remplace pas, on constate qu’une bonne crédibilité auprès des bons alliés est un facteur de succès incontestable. Plus le projet ou la situation est complexe, plus le sens politique devient un levier incontournable.

Ce qu’est vraiment le sens politique
Le sens politique, c’est la capacité à naviguer à travers les relations formelles et informelles pour soutenir le succès de ses idées et ses projets.

En d’autres mots, c’est :

« la capacité d’influencer pour faire avancer ses projets en adaptant   ses stratégies afin d’optimiser ses chances de succès à toutes les étapes »

Le sens politique implique plusieurs savoir-faire sous-jacents.

–       Le réseautage : capacité à développer et à entretenir son réseau.

–       Le décodage : art de décoder son environnement afin de mieux saisir la culture organisationnelle, les tendances des décideurs, les relations de pouvoir et les objectifs des divers intervenants.

–       L’ajustement : capacité de tenir compte des informations décodées pour ajuster ses projets et ses stratégies ou la manière d’en faire la promotion.

–       L’intelligence terrain : capacité de passer à l’action en influençant les parties prenantes et en tenant compte de leurs objectifs et de leurs intérêts selon une approche gagnant-gagnant.

–       Le courage éclairé : capacité de juger quand se rallier ou quand exprimer ses divergences tout en maintenant une relation positive.

Un prérequis important : l’intelligence émotionnelle

À la base du sens politique, il y a indéniablement un haut degré d’intelligence émotionnelle pour :

–       écouter, lire entre les lignes ce qui n’est pas inscrit formellement, mais qui s’entend et qui fait partie du savoir organisationnel informel;

–       faire preuve d’empathie afin de saisir véritablement les autres points de vue, les priorités de ses interlocuteurs ainsi que leurs objectifs et défis;

–       naviguer dans une certaine ambiguïté sans perdre ses repères et en saisissant que tout n’est pas noir ou blanc;

–       faire preuve de jugement et d’une capacité d’analyse basée tant sur des critères objectifs que sur des critères liés au facteur humain et aux relations de pouvoir;

–       communiquer avec tact et diplomatie en prévoyant l’impact sur ses interlocuteurs;

–       poser des questions ouvertes pour découvrir, clarifier et faire ressortir des besoins et des opportunités;

–       adopter une approche d’influence gagnant-gagnant en identifiant des objectifs communs qui font un lien naturel entre ses projets et ceux des membres de son réseau.

Au cœur de sens politique : l’art d’utiliser son réseau

Il ne s’agit pas simplement d’avoir beaucoup de relations sur les réseaux sociaux… Le réseautage sert à créer des relations pour bâtir sa crédibilité, tout en posant un diagnostic continu sur la situation et les forces en présence. Il ne sert donc pas uniquement à accéder à un réseau d’alliés; il s’avère essentiel pour acquérir une vision réaliste des situations complexes et des idées ou tendances en présence tout en les influençant.

En d’autres termes, il est essentiel de bâtir un réseau pour :

–          être connu et reconnu pour sa valeur ajoutée et sa crédibilité;

–          établir un bon diagnostic des forces et des intérêts en présence;

–          identifier les véritables décideurs au-delà des structures formelles;

–          faire le marketing de ses succès;

–          soutenir les projets et objectifs des autres, car le réseautage est souvent du donnant-donnant;

–          adapter ses interventions et ses stratégies en fonction de cette réalité;

–          recevoir de l’appui et des conseils en cas d’obstacles.

Le réseautage sert donc à se situer face à ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire à certains moments, en tenant compte de la culture organisationnelle et de son positionnement dans certains postes. Il est aussi très bénéfique lorsqu’il faut explorer des idées ou activer certains processus par l’entremise de ses relations.

Le sens politique, utile à tous : professionnels et gestionnaires!

Ce savoir-faire n’est pas nécessaire seulement aux dirigeants ou cadres supérieurs. Il peut s’avérer extrêmement utile au professionnel en gestion des ressources humaines dans tous les rôles qui requièrent de l’influence sans détenir d’autorité formelle. Il lui sera aussi indispensable pour accompagner ses clients gestionnaires dans divers processus de changement; en effet, ceux-ci se déroulent souvent dans des environnements complexes et ne peuvent réussir sans la collaboration d’autres services ou niveaux organisationnels.

Le gestionnaire qui souhaite assurer le succès de ses projets doit aussi démontrer un bon sens politique. Quel que soit son niveau de gestion, son succès est la plupart du temps tributaire de l’appui de divers collaborateurs. S’il a un certain nombre d’alliés, ses projets seront plus faciles à réaliser, ses réussites auront plus d’impact et, dans le cas d’une contre-performance, il aura plus d’appuis. Évidemment, plus le gestionnaire accède à des postes stratégiques, plus cet ingrédient devient incontournable!

En fait, le sens politique est essentiel à tout professionnel RH ou gestionnaire qui a à cœur l’avancement de sa carrière. En effet, à mesure qu’il gravit les échelons, ses appuis prennent de l’importance. Il doit simplement se poser les questions suivantes : comment des décideurs peuvent-ils penser à ma candidature si plusieurs ne me connaissent pas ou si ma crédibilité auprès de ceux qui me connaissent est mitigée? Comment acceptera-t-on de me donner la chance d’expérimenter des postes qui comportent de nouvelles compétences si mon réseau se limite à mes répondants directs au sein de mon champ d’expertise?

Bien que cette compétence complexe s’acquière indéniablement rappelons qu’elle fait appel à beaucoup de savoir-être fondamentaux qui sont le résultat d’un long cheminement. On ne peut penser développer son sens politique sans s’interroger sur son potentiel en matière d’intelligence émotionnelle et travailler beaucoup sur ce plan.

Ce qu’il faut retenir…

Quel que soit son rôle, plus le professionnel RH navigue dans des environnements complexes et plus il réalise que le sens politique fait partie de l’expertise nécessaire pour atteindre le succès. Contrairement à des préjugés courants, il est compatible tant avec l’éthique qu’avec le courage managérial et l’orientation vers les résultats.

Le développement de son sens politique est un processus d’amélioration continue; en effet, le professionnel œuvre dans des environnements de plus en plus complexes et en perpétuel changement. Il ne peut baisser sa vigilance, car c’est une évolution de longue haleine qui se cultive un peu chaque jour.

 Article paru dans la revue l’Effectif de l’Ordre des CRHA,
parution de juin 2012