Gérer le changement: de passager à pilote!

Les gestionnaires qui doivent implanter des changements organisationnels de plus en plus nombreux et plus ou moins imposés, sont souvent eux-mêmes déstabilisés par leur impact. Décider de « passer de passager à pilote » modifie toute la donne, en ramenant la puissance personnelle du gestionnaire et son efficacité à mobiliser ses troupes…

Consultez l’article : De passager à pilote pour avoir des conseils pratiques.

Partenaire d’affaires RH: catalyseurs des changements réussis

Le partenaire d’affaires RH : catalyseur des changements organisationnels réussis

 Par Jacqueline Codsi, CRIA

Comme le mentionne éloquemment Hervey Sériex, « Autrefois, le changement était l’exception et le statu quo la règle. Aujourd’hui, le changement est devenu la règle et le statu quo, l’exception ».

On doit développer une culture diversifiée, introduire des changements technologiques, modifier les rôles en recourant à une structure matricielle, rationaliser ou optimiser des processus… Toutes ces transformations supposent l’accès à des ressources compétentes et capables de s’adapter. Avec la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et la guerre des talents qui en découle, réussir ces virages critiques tout en s’assurant de maintenir ou d’améliorer la mobilisation, la responsabilisation et l’engagement du personnel, constitue un enjeu crucial.

Succès mitigé des initiatives de changement
On estime que moins de 30 % des projets de changement organisationnel sont couronnés de succès. Après des lancements souvent très visibles et prometteurs, leur durée de vie est en général assez courte et leurs destinataires en conservent un goût amer. Beaucoup d’organisations procèdent même à une succession de changements et le sentiment qui s’en dégage, c’est une perception de saturation et d’épuisement de la part des gestionnaires et des employés. Avec le temps, au lieu d’augmenter leur capacité d’adaptation, ces échecs ont pour effet de les rendre encore plus réfractaires au changement.

Nombre d’articles et de livres fort pertinents ont permis d’analyser les causes de ce taux d’échec élevé. La plupart des explications abordent le manque d’attention portée au volet humain, soit l’importance de mobiliser les parties prenantes du changement en faisant appel à leurs convictions et à leurs émotions. Il s’agit essentiellement :

  • du manque d’engagement visible et cohérent des dirigeants et des cadres supérieurs;
  • du manque d’alignement et de soutien des cadres intermédiaires;
  • de la résistance au changement des employés.

L’importance de soutenir les cadres
On sait aujourd’hui que le rôle d’influence des cadres auprès de leurs équipes constitue l’un des principaux facteurs de succès des démarches de changement (Rondeau et Bareil, 2010). Plus ils sont eux-mêmes convaincus de la légitimité du changement, en ayant pris le temps de se l’approprier, plus ils sont en mesure de jouer leur rôle de leader auprès de leur équipe.Typiquement, on a tendance à se concentrer sur la résistance des employés, en tenant pour acquis l’engagement des gestionnaires. Insuffisamment préparés, les cadres ne saisissent pas toujours la légitimité du changement et ont donc de la difficulté à s’y rallier. De ce fait, il leur est plus difficile d’assumer le leadership nécessaire pour convaincre et mobiliser leurs employés et d’investir l’énergie nécessaire pour les aider à franchir les obstacles, surtout en situation de surcharge.

Le partenaire d’affaires RH: un catalyseur du changement
Les professionnels en ressources humaines peuvent avoir un impact crucial sur la fin de cet historique d’échecs et l’optimisation de la probabilité de réussite des changements. Pour ce faire, il doivent assumer un véritable rôle de partenaire, capable de guider les gestionnaires opérationnels en tenant compte de leurs préoccupations et de leurs besoins particuliers, plutôt que de s’en remettre uniquement aux « programmes RH » génériques déjà en place.

Adopter une approche de partenaire d’affaires permet de mettre l’accent sur les besoins de changement d’affaires et sur le défi d’accompagner les gestionnaires dans l’identification de solutions sur mesure, impliquant le capital humain. C’est donc une belle occasion pour la fonction ressources humaines de se positionner comme un acteur stratégique indéniable du succès de la stratégie d’affaires, en :

  • soutenant les dirigeants et les gestionnaires dans la compréhension des changements nécessaires pour améliorer la compétitivité de l’organisation;
  • développant la vision et le plan d’intervention en ressources humaines découlant des impératifs de changement;
  • accompagnant les gestionnaires dans toutes les phases du changement, soit la légitimation, la réalisation et l’appropriation.

Pour ce faire, il est essentiel d’éviter de se positionner comme un exécutant effacé à la remorque des projets entrepris par les gestionnaires opérationnels. En agissant plutôt à titre de facilitateur et de coach, le professionnel en ressources humaines se positionne comme un allié stratégique permettant d’augmenter la probabilité de succès de la démarche de changement.

Le rôle du partenaire d’affaires auprès des cadres
La contribution du partenaire d’affaires au ralliement des cadres aux changements peut prendre diverses formes :

  • être présent auprès des cadres de façon à écouter leurs préoccupations et à en tenir compte dans l’ajustement des plans d’action;
  • créer des occasions de dialogue entre les dirigeants et les gestionnaires afin de les sensibiliser et de les rallier tout en saisissant leurs inquiétudes;
  • alimenter la réflexion stratégique des cadres, les aider à visualiser le changement et à se l’approprier pour qu’ils puissent agir comme des leaders auprès de leur équipe;
  • soutenir les cadres dans l’élaboration d’un plan d’action visant à mobiliser leurs employés en s’assurant de gérer leurs préoccupations et résistances.

Le rôle du partenaire d’affaires dans le design des changements
Il est opportun d’intervenir dès le début de l’initiative de changement. Le défi consiste à amener les dirigeants à percevoir qu’ils optimisent la probabilité de réussite de leur démarche de changement stratégique s’ils tiennent compte du facteur humain. Ce rôle de coach accompagnateur, empreint de savoir-faire en ressources humaines, est particulièrement pertinent pour permettre aux cadres :

  • d’articuler une vision claire, vulgarisée et mobilisatrice du changement qui, tout en étant alignée sur le plan d’affaires, considère les préoccupations des destinataires;
  • d’articuler un plan d’action concret et réaliste incluant les phases nécessaires à l’appropriation du changement;
  • d’identifier la stratégie de communication de cette vision et de ce plan d’action pour qu’ils deviennent un projet partagé tenant compte des préoccupations, des émotions, des besoins et des craintes que le changement peut susciter.

Afin de faciliter le changement, le partenaire d’affaires pourra aussi avoir recours aux pratiques mobilisatrices suivantes :

  • établir un diagnostic de l’écart entre la situation actuelle et la situation visée en termes d’impact sur les attitudes, les compétences et les façons de faire, afin de visualiser lucidement les défis de changement; ce diagnostic doit aussi permettre aux parties impliquées de se sentir écoutées et consultées;
  • mettre sur pied un comité de pilotage composé de gestionnaires crédibles et engagés qui ont le potentiel de mobiliser les équipes envers le changement;
  • mettre sur pied une équipe multidisciplinaire réunissant des généralistes et des spécialistes en ressources humaines crédibles (internes et externes), qui contribuent selon leur expertise spécifique au plan d’affaires, en partageant une vision commune du plan d’action RH sur mesure visant à soutenir ce changement.

Adopter une approche de gestion de projet et d’accompagnement
Soutenir les cadres en ayant recours à une approche de gestion de projet peut aussi contribuer à maximiser les chances de concrétiser le changement, en évitant l’essoufflement. Cette approche a l’avantage de donner une vision des étapes franchies que l’on peut célébrer, tout en demeurant très réaliste quant à celles qui restent à réaliser et face aux obstacles qui sont encore à surmonter. La mise sur pied d’un tableau de bord visant à suivre les progrès réalisés peut aussi constituer un excellent levier de nature à sécuriser tout en mobilisant et en responsabilisant les acteurs impliqués.Des réflexes essentiels pour la fonction ressources humaines

  • Démontrer sa compréhension réelle des enjeux d’affaires et de l’impératif de changement.
  • Écouter activement les préoccupations des gestionnaires et des employés pour mieux les influencer et les accompagner en parlant leur langage.
  • Identifier des plans d’action collés aux défis du changement d’affaires, qui dénotent son rôle de partenaire en mode solution et qu’on peut ajuster en cours de route.
  • Présenter des solutions complètes dans lesquelles toutes les fonctions ressources humaines sont mises à contribution afin d’implanter les changements, tout en s’assurant de disposer de personnes de talent mobilisées, responsabilisées et engagées.
  • Rallier toutes les parties à ce projet partagé, car pour réussir, la clé est un partenariat véritable avec les gestionnaires opérationnels et aussi entre fonctions ressources humaines.

Conclusion
En participant au succès des démarches de changement stratégique, l’approche de partenaire d’affaires permet d’augmenter la probabilité d’une appropriation réelle, qui pourra se refléter dans des modifications de comportements, d’attitudes et de façons de faire qui perdurent dans le temps. On augmente aussi la potentialité de réaliser le changement sans mettre en péril la mobilisation et l’engagement des gestionnaires et des employés.

Rappelons enfin que ce rôle d’accompagnateur à l’écoute et de coach auprès des gestionnaires opérationnels constitue la voie par excellence tant pour les généralistes que pour les spécialistes en ressources humaines, tous engagés à contribuer à l’actualisation d’un projet partagé de changement stratégique. Cette proximité permet aussi de forger des alliances authentiques avec les gestionnaires et de bâtir ainsi une crédibilité très précieuse pour la réalisation du plan d’affaires.Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps. org., ASC, directrice principale, psychologie du travail et développement organisationnel, Optimum Talent

Source : Effectif, volume 16, numéro 3, juin/juillet/août 2013.


Pistes de lecture

Bareil, C. (2004). Gérer le volet humain du changement, Éditions transcontinental.

Bareil, C. (2008a). « Démystifier la résistance au changement : questions, constats et implications sur l’expérience du changement », Télescope, vol. 14, n° 3, p. 89-105.

Codsi, J. (2011). « Le rôle de partenaire RH crédible : un défi d’influence », Le coin de l’expert, portail de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, 2011.

Collerette, P., R,Scheinder et P. Robert (2003). « La gestion du changement organisationnel, Quatrième partie – L’adaptation au changement », ISO Management Systems – Janvier-février 2003.

Kotter, P. et D.S. Cohen (2012). The Heart of Change: Real-Life Stories of How People Change Their Organizations, Harvard Business School Press.

Rondeau, A. et C. Bareil (2010). « Comment la direction peut-elle soutenir ses cadres dans la conduite d’un changement majeur? », Gestion, vol. 34, n° 4, Hiver 2010.

Serieyx, H. et I. Orgogozo (1989). Changer le changement, Paris. Éd. du Seuil.

Ulrich, D. et W. Brockbank (2008). The business partner model: 10 years on – Lessons learnedhttp://www.hrmagazine.co.uk.