Les ravages des gestionnaires directifs en période de transformation-l’éclairage du neuroleadership (1 de 2)

Une équation simple: Gestionnaires directifs & micro-management = Performance en déclin + Résistance au changement

Par Jacqueline Codsi, CRIA, M.Ps.org, ASC, PCC, vice-présidente partenariats d’affaires RH et coach exécutif, JC Leader Conseil

Dans une série de 2 articles, l’auteure propose quelques éclairages issus du neuroleadership qui appuient l’équation suivante : Gestionnaires directifs = Performance en déclin + Résistance au changement

Les défis et la pression exercée sur les gestionnaires d’aujourd’hui sont plus élevés que jamais. Les objectifs et les résultats attendus sont souvent majeurs, les changements à implanter se multiplient et les gestionnaires sont appelés à les implanter de plus en plus rapidement, avec des structures de plus en plus lean et des équipes souvent à distance.

Dans un tel contexte, un profil de gestionnaire qui excelle dans la planification, dans l’organisation et dans les suivis, qui est extrêmement orienté vers les résultats, pourrait paraître très attirant pour maximiser la livraison, en priorisant adéquatement malgré la demande qui ne cesse d’augmenter. Il est tentant d’adopter une approche plus directive ou autocratique où l’on sait « presser le citron » et où l’on est plus centré sur les résultats à tout prix que sur la relation. Mais ce serait une grave erreur…

Bien sûr, il n’y a pas de gestionnaire parfait. Mais ce qui est certain, c’est qu’un style de gestion qui encadre trop fait perdre le sentiment d’être responsable ou d’avoir la latitude nécessaire pour mettre en place les bonnes solutions. Parmi les références qui sont maintenant incontournables en leadership, il y a tout le courant du neuroleadership et, particulièrement, le modèle du SCARF de David Rock (2008). Il permet d’identifier les cinq leviers ou besoins fondamentaux à satisfaire pour mettre en place les conditions gagnantes qui facilitent la confiance et l’ouverture au changement (Status, Certainty, Autonomy, Relatedness & Fairness).

Pour en apprendre plus sur le modèle SCARF de David Rock, voir notre article « Le neuroleadership démystifié » publié dans cette chronique en 2013.

Particulièrement en contexte de grand changement et de pression sur la performance, le grand défi des gestionnaires est de mobiliser et de responsabiliser en prenant en compte ces cinq besoins essentiels que sont le statut (rang/estime de soi), la certitude (sécurité/contrôle), l’autonomie (avoir des choix), le réseau ou l’appartenance (soutien : relations formelles/informelles) et l’équité perçue.

Comment l’approche des gestionnaires directifs, qui croient être orientés vers les résultats, peut-elle avoir un effet inverse en déclenchant des résistances? Comment leur encadrement rigide peut-il éveiller la méfiance et le système défensif des membres de l’équipe? Voici quelques comportements directifs typiques et leur impact avec l’éclairage du neuroleadership (SCARF).

Des comportements directifs typiques

L’effet de ces comportements sur le développement de résistances et de méfiance

  • Confier des tâches et des moyens précis, plutôt que de déléguer des objectifs en laissant le choix des moyens.
  • S’immiscer à tout moment dans tous les dossiers, être peu négociable en agissant plus ou moins comme l’unique décideur…

Cette approche est particulièrement destructive pour les collaborateurs qui ont un grand besoin d’Autonomie et de Statut et qui se sentent alors traités comme des « exécutants ». 

 L’imprévisibilité affecte aussi beaucoup le besoin de Sécurité.

  • Distribuer les tâches: en imposant plutôt qu’en consultant; rajouter à tout moment de nouveaux mandats, en invoquant simplement, que le contexte l’impose.

Cela créée un sentiment de perte de contrôle, auprès des collaborateurs qui ont un grand besoin de Certitude et qui « digèrent » plus difficilement l’imprévisibilité. C’est aussi difficile en termes de Statut et d’Autonomie, soit le sentiment que quelqu’un d’autre décide et que je n’ai aucun mot à dire et aucun choix : se sentent alors traités comme des « exécutants ».

  • Évaluer et encadrer:
    être très axés sur les détails plutôt que sur la perspective globale, ils demandent des suivis nombreux
  • Ont vite tendance à la critique.
  • Quelle que soit la charge ou les obstacles : ils évaluent et critiquent sans ajuster leurs standards au contexte difficile.

Crée le sentiment d’être surveillé, d’être traité avec sévérité (Fairness), sans bienveillance, de manquer de soutien (Relation). Fait perdre la confiance (en ses forces, en son gestionnaire).

Conclusion

Il est clair qu’un style de gestion directif ou rigide, bien qu’il puisse apporter des résultats à court terme, crée davantage de méfiance et de résistance. Il n’est pas étonnant que, dans de tels contextes, des comportements déviants ou d’évitement soient davantage répertoriés : absentéisme, départs, baisse de performance, mauvaise réputation sur les réseaux sociaux, difficulté d’attraction et de rétention. De plus, si un tel style de gestion existe à la haute direction, il imprègne la culture et sert malheureusement de modèle à tous les niveaux de gestion de l’organisation. Le message aux gestionnaires directifs ou trop axés uniquement sur les résultats, est plus clair que jamais : modifiez votre recette! Misez sur la relation : évitez de blesser l’orgueil, évitez la menace et l’imprévisible!

Le prochain article approfondira les moyens par lesquels les leaders peuvent ajuster leur style de gestion pour optimiser le changement et la performance, toujours avec l’éclairage du neuroleadership.

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture

Buckingham, M. et D.O. Clifton (2001). Now, discover your strengths, The Free Press.
Codsi, J. et Langis, N. (2013). « Le neuroleadership démystifié », Le coin de l’expert, Ordre des CRHA.
Codsi, J. (2015). « Gestion de la performance : comment transformer ce levier de démotivation en levier de performance », Effectif, novembre/décembre 2015.
Rock, D., J. Davis et B. Jones (2013). « One simple idea that can transform performance management », People & Strategy, vol. 36, Issue 2.

À propos de l’auteure

Jacqueline Codsi, M.Ps.org, CRIA, ASC, PCC est vice-présidente partenariats d’affaires RH et coach exécutif chez JC Leader Conseil et chargée de cours à l’UQAM. Psychologue organisationnelle, elle agit comme médiatrice et formatrice auprès d’organisations de secteurs diversifiés. Ses spécialités incluent le développement du leadership, la gestion des talents et de la relève et le développement organisationnel. On peut la joindre par téléphone [514 235-0557] ou par courriel [j.codsi@jcleaderconseil.comSite web : jcleaderconseil.com

Cet article est paru dans la rubrique Coin de l’expert de l’ordre des CRHA, le 2 mai 2017.

Gérer le changement: de passager à pilote!

Les gestionnaires qui doivent implanter des changements organisationnels de plus en plus nombreux et plus ou moins imposés, sont souvent eux-mêmes déstabilisés par leur impact. Décider de « passer de passager à pilote » modifie toute la donne, en ramenant la puissance personnelle du gestionnaire et son efficacité à mobiliser ses troupes…

Consultez l’article : De passager à pilote pour avoir des conseils pratiques.