Propulser sa carrière : mais pas à tout prix !

Jacqueline Codsi

 

Par Jacqueline Codsi, M.Ps.org, CRIA, ASC, PCC

Vice présidente Partenariat d’affaire RH et coach exécutif

 

5 pièges pour éviter le passage « de héro à zéro »

A travers ma carrière, que ce soit à titre de cadre de direction en gestion des talents et de la relève ou à titre de coach de relève lors de transitions de carrière, j’ai souvent eu une impression de « déjà vu ». C’est parfois désolant de constater qu’à la suite d’une promotion malheureuse, certains talents qui avaient un succès incontestable, reculent sur les plans professionnels et parfois même personnels… C’est ce que j’appelle le passage de « héro à zéro », soit un passage qui démolit le potentiel et qui laisse souvent des séquelles en termes de crédibilité et de confiance en soi.

Vous avez du talent? Que vous soyez une professionnelle qui pense à devenir gestionnaire, une cadre intermédiaire qui pense à devenir cadre supérieure ou encore une cadre supérieure qui souhaite accéder à un rôle de dirigeant, voici quelques pièges à éviter afin de s’assurer de propulser sa carrière en diminuant au maximum les dommages « colatéraux » et les échecs inutiles.

 1. Le principe de Peter : croire que tout peut se développer ou surestimer son potentiel

La croyance à l’effet que tout peut se développer lorsqu’on y met les efforts et la discipline nécessaire est très répandue. Pourtant, elle est bel et bien erronée. Si votre prochain mouvement de carrière fait appel à trop d’habiletés qui ne font pas partie de vos talents naturels, vous investirez beaucoup d’efforts pour peu de résultats.

Le perfectionnisme et le sens du détail qui ont été les fondements de votre succès passé comme expert pourraient être des obstacles si vous souhaitez devenir un gestionnaire qui évite le micro management.

2. Le sens du sacrifice: parfois très coûteux

Parmi les femmes talentueuses que j’ai coachées, il existe deux extrêmes pour lesquelles le sens du sacrifice est un très mauvais conseiller :

  • les trop ambitieuses qui sacrifient de manière démesurée, leurs objectifs personnels au profit de leurs objectifs professionnels
  • les trop dévouées qui sacrifient ou se refusent certaines opportunités de développement de carrière au profit de leur équilibre familial, en pensant qu’elles se reprendront lorsque les enfants seront plus âgés

Dans les deux cas, ces femmes talentueuses sont souvent perdantes à moyen terme car elles nient une partie de leurs besoins de réalisation au profit d’un seul aspect de leur vie. Tôt ou tard, ce déséquilibre les rattrapera. De plus, il existe des opportunités de carrière et de vie dont il est essentiel de profiter au bon moment (« timing ») puisqu’elles ne se représenteront probablement jamais.

3. Ramer à contre-courant ou miser sur le développement de trop de faiblesses

Avez-vous réellement le potentiel de développer les nouvelles compétences associées à votre prochain rôle ? Malgré le meilleur plan de développement et le coach le plus habile, vous ne serez jamais parmi les plus performants en tentant de développer ce qui va à l’encontre de votre naturel. Votre défi consiste à sélectionner des rôles pour lesquels vous n’aurez pas à utiliser trop d’habiletés qui sont « contre-nature ».

4. Avoir peur de sortir de sa zone de confort

La peur de prendre des risques, le besoin de perfection et la crainte de l’échec, peuvent ralentir énormément le développement d’un talent. Cette hésitation à plonger peut engendrer de la stagnation, ou même de la sur-spécialisation pour être en total contrôle de son domaine d’expertise.

C’est en acceptant de sortir de sa zone de confort que l’on développe de nouvelles compétences et une capacité d’adaptation. Là aussi, il faut savoir prendre la balle au bond, lorsqu’elle se présente.

5. Se laisser démolir par la critique ou les échecs

On apprend lorsqu’on est lucide face à ses forces et à ses points à développer. La rétroaction est essentielle à notre apprentissage. Lorsque la critique ou les échecs nous démolissent ou nous frustrent, on n’est plus en mode apprentissage mais en mode défensif ou repli. Habituellement, cela nous isole encore davantage et diminue notre performance…

À propos de l’auteure
: Jacqueline Codsi, CRIA, M. Ps. org., ASC, PCC, a œuvré à titre de cadre de direction en gestion des ressources humaines & développement organisationnel dans le milieu financier. Elle agit aujourd’hui comme coach de gestion et partenaire d’affaires RH, pour soutenir des entreprises en gestion des talents et de la relève, en développement du leadership et en gestion du changement. Pour la joindre : 514-235-0557 | j.codsi@jcleaderconseil.com | jcleaderconseil.com

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5 conseils pour propulser votre carrière tout en vous munissant d’un filet de sécurité…

1.  Faites le bon choix de la prochaine étape de votre carrière:

  • misez sur vos talents ou sur les facettes pour lesquelles vous possédez le plus de potentiel et de naturel.
    En identifiant vos forces naturelles ou votre valeur ajoutée unique, vous serez en mesure d’atteindre l’excellence avec moins d’efforts, tout en étant plus satisfaites. Vous arrêterez de vous battre pour peu de résultats. Le défi consiste à miser sur ses forces, pour bénéficier de ce sentiment de satisfaction et de compétence.
  • faites des choix compatibles avec vos ancres de vie ou vos impératif personnels (famille, couple, loisirs etc.)
    Quels sacrifices êtes vous prête à faire, comment votre famille vous suivra-t-elle ? Aurez-vous un jour des regrets lorsque vous ferez le bilan de vos réalisations personnelles et professionnelles?

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2.  Osez sortir de votre zone de confort en prenant des risques calculés

Afin d’accélérer son développement, il est essentiel de se faire confiance afin de développer sa capacité de s’adapter et d’apprendre : ex. changer de milieu, de rôle, d’équipe, de supérieur, etc.

Par contre, sachez aussi dire non à des postes prestigieux mais qui pourraient « bruler » votre talent ou vous dévier de votre trajectoire.

3.  Osez demander de la rétroaction ou du feed-back 

Plus vous réussirez à décoder la perception des autres concernant vos forces et vos points à améliorer et plus vous aurez un avantage notable pour accélérer votre développement.
Ayez accès à un bilan de vos talents, compétences et ancres de carrière.

Faites vous accompagner par un coach, un mentor ou un conseiller RH, pour vous aider à décoder plus rapidement…

4. Soyez résilient (pas « têtus ») tout en étant flexibles

Les personnes qui réussissent sont assez déterminées pour maintenir leur destination malgré les obstacles mais elles savent aussi quand lâcher prise et s’ajuster en remettant en question leur objectif lorsque c’est pertinent…

5. Apprenez de vos échecs

Un échec est rempli d’apprentissage concernant votre « ADN » personnel et professionnel. Les échecs sont formateurs mais ils peuvent nous faire perdre du temps et de la confiance.

Ne vous laissez pas abattre mais profitez-en pour vous questionner et faire de l’introspection. Votre coach ou votre mentor peut vous aider à vous remettre en piste plus rapidement…

En conclusion, il est essentiel que vous preniez vous mêmes les rennes pour accélérer votre développement, et ce, tout en n’hésitant pas à bien vous entourer pour prendre des risques calculés et en développant votre assurance

  • Questionnez vos choix si vous réalisez que pour réussir, vous devez vous « déguiser » ou corriger trop de faiblesses qui ne sont pas naturelles.
  • Recourez à une évaluation de votre potentiel ou à un bilan de vos compétences, talents et ancres de carrière pour éviter des écueils plus rapidement et vous laisser porter par votre talent.
  • Sachez bien sélectionner les spécialistes pour vous accompagner (coach, mentor, conseiller RH), afin d’identifier un plan de développement ambitieux mais qui ne « gaspille » pas votre talent.

Gérer le changement: de passager à pilote!

Les gestionnaires qui doivent implanter des changements organisationnels de plus en plus nombreux et plus ou moins imposés, sont souvent eux-mêmes déstabilisés par leur impact. Décider de « passer de passager à pilote » modifie toute la donne, en ramenant la puissance personnelle du gestionnaire et son efficacité à mobiliser ses troupes…

Consultez l’article : De passager à pilote pour avoir des conseils pratiques.

Le dilemme du développement des leaders : maximiser les forces ou combler les faiblesses?

Par Jacqueline Codsi, M.Ps.org., CRIA,
Centre de recherche et d’intervention en santé des organisations.

L’impact des bons leaders est énorme. On le mesure en termes d’attraction de personnel talentueux, de rétention et de performance générale améliorée. Les ravages créés par des gestionnaires pas assez qualifiés ne sont plus à démontrer : climat de travail tendu, départ d’employés talentueux, manque de mobilisation, contre-performance, etc. Le leadership fait appel à un cocktail complexe de compétences analytiques, relationnelles et stratégiques. Le développement des leaders est donc un défi de taille pour les entreprises.

Mais qu’est-ce qui doit être développé? Est-ce le difficile passage de professionnel à gestionnaire? Ou celui de gestionnaire opérationnel à gestionnaire stratégique? Les compétences relationnelles? L’influence? La capacité à donner des mandats clairs? Une approche moins directive? 

Ce diagnostic est essentiel. Des études du Corporate Leadership Council ont en effet prouvé que l’identification de mauvaises cibles de développement est parfois très nuisible, car le leader en développement concentre alors son énergie sur des éléments qui ne sont pas prioritaires et perd ainsi un temps précieux. La question est donc centrale : que devrait-on identifier pour aligner les efforts en termes de développement?  

L’approche des compétences à développer

Traditionnellement, le diagnostic consiste à mesurer le leader en regard du profil de compétences des gestionnaires qui réussissent dans leur rôle. Donc, à l’aide d’outils diagnostiques (autoévaluation, évaluation psychométrique du potentiel de gestion, rétroaction à 360 °, évaluation de la performance), on identifie les compétences jugées moins maîtrisées qui deviennent les cibles prioritaires de développement. Il peut donc arriver, dans une telle optique, qu’un leader en vienne à cibler des compétences pour lesquelles il ne possède pas de talent naturel, ce qui pourrait le condamner à un succès mitigé. 

Un plan de développement pour maximiser les talents

Depuis quelques années, un nouveau courant mise plutôt sur les forces des leaders. Selon ce courant, chaque individu possède des talents naturels qu’il ne faut pas nier si l’on veut expérimenter l’efficacité et la satisfaction qui découlent du sentiment d’être en harmonie avec son travail.

Des modèles comme le dépisteur de forces (strenghtsfinder) de Buckingham et Clinton ou celui des forces signatures (questionnaire VIA) sont utilisés abondamment par des entreprises québécoises et internationales.

Les partisans de ce courant affirment que travailler sur ses faiblesses est une approche négative qui met les personnes sur la défensive et nuit à leur développement. L’approche positive forcerait plutôt les individus à reconnaître leurs talents et, ce faisant, à être aussi plus lucides quant à leurs faiblesses.  

La solution gagnante : miser sur les talents tout en développant les zones vulnérables

Il serait bon d’utiliser systématiquement deux approches extrêmement complémentaires.

On ne peut mettre de côté le profil de compétences

Prenons l’exemple d’un cadre supérieur très orienté vers les résultats et qui manquerait profondément de vision stratégique et de sens politique. Peut-on réellement avoir du succès dans un tel rôle en mettant de côté ces deux compétences essentielles? De fait, certaines compétences sont nécessaires au succès; le plan de développement doit en tenir compte. La question est de savoir si ce gestionnaire possède un certain potentiel naturel à cet égard. 

Miser sur la compatibilité entre les talents et les postes occupés

L’utilisation des forces ou des talents est habituellement génératrice de bonne performance et de bonheur au travail.  Selon Cardinal (2004), la perception de succès lié à la carrière serait liée à la compatibilité entre ses talents, ses compétences, ses valeurs, la perception du degré de reconnaissance reçue et de son niveau de satisfaction face à sa contribution. Le sentiment d’être compétent et d’être en harmonie avec son rôle pourrait avoir des impacts sur l’engagement et la mobilisation. 

Attention à la surutilisation des forces

L’utilisation abusive de certaines forces peut parfois devenir contre-productive. Ainsi, il est très utile d’être stratégique, mais l’être trop systématiquement peut mener à ne pas être assez orienté vers les résultats concrets. De même, l’excès de courage managérial peut conduire à livrer des batailles inutiles en créant une culture de compétition.  

Considérer aussi le potentiel de développement

Utilisée de manière trop restrictive ou pointue, l’approche des forces pourrait inciter à éviter de sélectionner et de développer des gestionnaires qui ne maîtrisent pas certaines compétences, mais qui les exerceraient avec aisance si on leur donnait l’occasion de les pratiquer. Par contre, il est possible qu’il y ait chez un individu un manque profond de talent naturel pour une compétence et que l’on doive alors remettre en question l’objectif de développement et même le poste visé. 

Pour qu’un plan de développement permette au leader de se développer efficacement

Voici quelques bonnes pratiques basées sur la complémentarité des  deux approches…

  • Cerner dès le début le contexte du développement en identifiant précisément le profil de compétences des gestionnaires qui ont du succès.
  • Procéder à un bilan complet des forces et des vulnérabilités du leader.
  • Développer la lucidité du leader afin qu’il soit conscient des rôles compatibles avec son profil. Le sensibiliser à l’impact unique de ses forces naturelles et aux effets néfastes de leur utilisation abusive.
  • S’interroger sur le potentiel du leader à  développer ses zones vulnérables. Ne pas hésiter à réviser l’objectif visé en fonction de ses talents naturels.
  • Inciter le leader à choisir des rôles et des fonctions compatibles avec ses forces et son potentiel.
  • Élaborer un plan de développement réaliste qui vise à maximiser les forces tout en développant les compétences qui nuisent à l’efficacité du leader.

Conclusion

Rappelons que la reconnaissance des forces est une pratique gagnante pas uniquement dans le cadre des processus de développement du leadership, mais aussi en matière de gestion de la performance et de mobilité interne. Une telle approche peut contribuer à l’engagement des leaders envers leur développement et leur organisation, ce qui constitue indéniablement un avantage compétitif en ces temps de pénurie de relève.

 

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lectures

  • Buckingham, M. et D.O. Clifton (2001). Now, discover your strengths, The free Press.
  • Cardinal, L. (2004). « Nouvelles carrières et succès psychologique au travail », Cahier de recherche de l’ESG 15-2004, 23 p.
  • Codsi, J. (2004), CRDGC. L’approche par compétences pour le personnel d’encadrement, un cadre de référence. Une publication du Centre de référence des directeurs généraux et des cadres.
  • Guérin, G. et T. Wils (1992). « La carrière, point de rencontre des besoins individuels et organisationnels », Revue de gestion des ressources humaines, Canada, vol. 5, no 6, décembre, p. 13-30, ISSN 1196-703X.
  • Schein, E. H. (1996). « Career anchors revisited: Implications for career development in the 21st century », The Academy of Management Executive, États-Unis, vol. 10, no 4, p. 80-88, ISSN 1079-5545.

 Note: cet article a aussi été publié sur le site de l’Ordre des CRHA